La question du mariage pour tous

Publié le 17 Novembre 2012

Comme l'indique Pierre de Charentenay dans son éditorial du numéro de novembre de la revue Etudes  : le débat actuel sur le mariage et l’adoption par des couples de même sexe touche les fondements mêmes de la société. La disparition envisagée de notions aussi fondamentales pour la filiation que celles de « père » et de « mère » du Code civil en est une preuve éloquente. Il est donc important de ne pas tenter de banaliser la question du « mariage pour tous » comme si nous étions simplement à la recherche d’une mise aux normes nouvelles d’une institution ancienne pour répondre à la demande d’un groupe particulier. Ma conviction est que c’est au niveau philosophique, anthropologique et juridique que la décision doit être prise, et cela dans l’intérêt de l’enfant.

 

J’indique ici un petit livre très clair de Christian Flavigny. Ce livre vient de paraître aux éditions Salvator avec comme titre suggestif : Je veux Papa Et Maman. « Père-et-mère » congédiés par la loi. L’auteur est pédopsychiatre et psychanalyste et a consacré de nombreux travaux remarqués sur le thème de la modernité de la vie familiale.

 

Christian Flavigny pose deux questions : les unions de même sexe sont-elles privées de mariage et d’adoption par des conventions sociales rétrogrades (chapitre 1) ? L’union « père-et-mère » est-elle le socle de la famille (chapitre 2)? En indiquant en outre le piège législatif que représenterait la légalisation de toute situation familiale (chapitre 3), il prend position par rapport aux « modèles étrangers » (chapitre 4).

 

Voici l’argumentation de l’auteur :

Les homosexuels s’estiment dévalués dans la vie sociale. Mais ni l’invocation pour la réparation d’une injustice ni la promotion de l’égalité des droits ne doivent négliger l’intérêt des enfants. Or l’essentiel pour l’enfant sera toujours : avoir son père et sa mère. Pourquoi ? Parce que leur union fonde le récit de sa venue au monde et lui donne par là-même la capacité de s’inscrire dans la réalité de ce monde et de construire sa vie affective comme son identité personnelle. L’union du père et de la mère est bien la référence fondatrice par excellence. Le statut indifférencié de parent dans l’état-civil ne sera jamais en mesure de répondre à la question vitale de l’enfant : d’où est-ce que je viens ? Enfin si la modification de l’équilibre de la famille se faisait au détriment de l’enfant qui grandit dans le contexte de parents homosexuels – en plaquant sur sa venue au monde un scénario qui n’est pas plausible –, cela rejaillirait sur toutes les familles et donc sur tous les enfants.

 

Un des grands intérêts de ce petit livre est de nous inviter à réfléchir sur les fondamentaux de la vie familiale. A titre d’illustration, je cite une page fort suggestive du chapitre-clé « L’union « père-et-mère » est-elle le socle de la famille ? » (53-54) :

 

 

Le lien parent-enfant se construit depuis un don émanant des parents : un don de filiation, que lie en retour une dette qui en résulte pour l’enfant, exigence d’être leur enfant au sens d’honorer leurs attentes. Elles aiguillonnent son développement, le motivant pour grandir. Le don est d’ordre psychologique (libre à chacun d’y greffer un registre moral), il est le processus psychologique-clé de la vie familiale. Il en fait la gratuité, au sens de ce qui n’a pas de prix : la vie familiale mobilise une énergie considérable, les parents en savent quelque chose, et pourtant elle ne récolte aucune rémunération comme la vie professionnelle. C’est qu’elle est « à la vie, à la mort », gérant la finitude que la filiation soulage par la transmission opérée au long des générations. Grâce à elle « quelque chose se perpétuera de mon passage sur la terre » : c’est la prime d’être parent. Se sentir redevable anime la vie psychique ; c’est un sentiment parfois dédaigné aujourd’hui, mais c’est bien dommage, cela soulagerait les difficultés que notre société rencontre dans le champ de l’éducation et du lien social, qui ne fonctionnent que si les intéressés, élèves ou citoyens, se perçoivent redevables, à l’égard de leurs aînés dans l’enseignement, de leurs ancêtres et de la nation dans la vie citoyenne. La dette à l’égard de ses parents anime le développement de l’enfant, jusqu’au désir de la restituer ; à l’âge adulte, cela porte le désir d’enfant. Devenir parent à son tour fait muer la dette passée en un don à venir au profit de son propre enfant.

La question du mariage pour tous

Rédigé par Nicolas Vinot Préfontaine

Commenter cet article